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« La rapidité avec laquelle le monde culturel a changé d’attitude sur l’IA dit la panique qui le saisit »
Muriel Robin est furibarde. La comédienne et humoriste nous apprend par le biais de son compte Instagram, le 15 avril, que son image et sa voix, générées par l’intelligence artificielle (IA), la font apparaître dans une vidéo vantant un produit minceur ; elle va engager des poursuites judiciaires. On a eu droit récemment à la chanteuse Taylor Swift en actrice porno, l’acteur Tom Hanks faisant la promotion d’une mutuelle dentaire ou Scarlett Johansson (ainsi que de faux Steven Spielberg, Jack Black ou Adam Sandler) dénonçant, sans qu’on lui ait demandé son avis, les dérapages antisémites du rappeur Kanye West. Ces exemples parmi d’autres, auxquels on peut ajouter les millions de gens anonymes piégés par des vidéos nommées deepfakes, constituent le symptôme d’une IA incontrôlable. Les violations du droit d’auteur se font à la pelle. Le cas du cinéaste d’animation japonais Hayao Miyazaki, auteur de Princesse Mononoké (1997) ou du Voyage de Chihiro (2001), est exemplaire. Voulant afficher sur la Toile un autoportrait plus « sympa » qu’une photo, des internautes ont plagié le style du Japonais au moyen d’OpenAI. Emmanuel Macron, Gabriel Attal ou l’eurodéputée LFI Manon Aubry l’ont fait aussi. La Maison Blanche également. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Pourquoi les images de ChatGPT imitant le Studio Ghibli font polémique Le problème n’est pas que Myazaki, 84 ans, ait qualifié par le passé l’IA d’« insulte à la vie même ». Ni que son fils ait confié le 2 avril à l’Agence France-Presse que « rien ne pourra remplacer le talent » de son père. Pas plus que le débat juridique soulevé – l’appropriation d’une esthétique est-elle possible ? Non, ce qui est exemplaire, c’est que, d’un chef d’Etat à un anonyme, tout le monde croit avec sincérité que l’IA est une sorte de filtre qui efface l’auteur. Inconsciemment, on se dit que ce n’est pas si grave, voire que cela contribue à la démocratisation de l’art. Déséquilibre des forces vertigineux Cette approche fait penser à l’époque où l’Internet a fait exploser le piratage des musiques et des films et où certains y voyaient un espace de liberté pour les consommateurs face à des géants s’en mettant plein les poches. On disait que le piratage, c’était fun, c’était libre, tendance, presque révolutionnaire. Il vous reste 63.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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